Samedi 24 Février 2001

Pic de Turbat (Oisans)

      Dénivelé : 1900m      Très Bon Skieur Alpin

Bernard Schmitt

Depart de Vizille vers 6h, apres avoir recupere Pierre en sortie de boite, en direction de La Chapelle en Valgaudemar. Ciel etoile. La meteo ne se serait donc pas trompee ! En approchant du Valgaudemar des nuages gris (mais la nuit tous les nuages sont gris ...) bouchent la vallee. De la Chapelle (1101m) pas de neige en vue, mais c'est surement ces satanes nuages qui la masque, n'es-ce pas !

Dopes au the de Pierre, probablement coupe d'un fond de punch (le the ...), on attaque a 7h30 le sentier du refuge de l'Olan en defiant les nuages avec nos spatules dressees. Juste apres la traversee des barres on trouve la neige dans le vallon vers 1700m peu avant la bifurcation du refuge. Toujours sous les nuages ... A mesure que l'on monte le plafond semble monter. Finalement on penetre dedans vers 2000m peu avant un changement de direction pour rejoindre le col de Colombes. Pas de probleme, on a une petite idee d'ou l'on est sur la carte, on est bien un peu sur le flanc gauche du vallon mais dans moins de 100m on sortira de la crasse, c'est sur; on fera alors un point precis a ce moment et on ajustera la trajectoire ! Sur ce, et apres 200m de montee radicale (un peu trop de gauche peut-etre ...) il devient clair qu'on est dans le flou le plus vague. Le peu qu'on voit du terrain ne ressemble pas a ce qu'on attendait ...

Conciliabule des 2 chefs de course brevetes et du recent stagiaire FFME en orientation: c'est clair on est trop monte sur le flanc gauche (dixit la tangente + alti) probablement juste au-dessus de la variante du GR. Y-a qu'a traverser a flanc pour retrouver le vallon et on passera ce petit errement sous silence dans le compte-rendu .... La traversee bute rapidement sur un ravin infranchissable a cette altitude. Demi-tour apres avoir mis les crampons car la neige est assez dure ici. Apres une courte montee et une reflexion approfondie sur notre passe tumultueux, mais pas si lointain, il devient clair qu'on est engage dans le vallon de Cote Belle^M plein nord vers 2400m et que la localisation sur la carte, de notre point de repere "caracteristique" vers 2100m (un petit vallon lateral bien marque) etait errone. Le bon s'avere etre en partie masque sous le mot "Cabane" plus de 300m a l'est d'ou l'on croyait etre, au juge ! D'ici il faudrait redescendre bien 200m de denivelee pour esperer pouvoir rejoindre en traversee le vallon du col de Colombes. 1900+200 = #@$m : petit bloquage de compteur dans les tetes ... Les blagues fusent sur la propension de certains encadreurs a accumuler des buts, je n'en dirai pas plus ...

Sur la carte le vallon semble bien engageant au moins jusque vers 2800m ou il bute sous la face EST du Pic Turbat. Je me rappelle alors vaguement (ca promet !) avoir repere un passage dans le versant nord-est il y a bien longtemps ... On decide de remonter le vallon et de voir si on y voit quelque chose d'ici le haut ... De toute facon, ici ou ailleurs pour l'instant on fait pas bien la difference ...

Miracle ! A 2500m on emerge soudain des nuages avec vue imprenable face a l'Olan tout proche. Remontee du vallon en plein soleil sur une neige tres travaillee par le vent et parfois carrement verglacee en surface. Une pente de neige raide se terminant par un couloir semble rejoindre l'arete est du sommet. On la remonte en crampons sur 150m pour deboucher a droite des corniches sur un replat, une vingtaine de metres sous le sommet. Deux randonneurs (a pied !) au sommet semblent surpris de nous voir emerger par la.

Montee au sommet (14h) ou on peut admirer l'impressionnante face nord de l'Olan. Le vallon de fond-Turbat juste a nos pieds n'a pas la moindre trace de nuage alors que le Valgaudemar est completement bouche avec les nuages qui fleurtent avec le Turbat moins de 200m sous le sommet en versant sud, ou qu'on doit plonger ... Rage ! On comprend maintenant la signification du bulletin meteo qui disait "plein soleil sur les hauts sommets du sud". Les sommets, rien que les sommets ! Le Sirac, le vieux Chaillol emergent sans peine. Il semble que ce soit le Valgo qui monopolise le gris. Il fait un peu frisquet et finalement on regrette presque le cocon douillet des nuages! Patience, on y retourne ...

Apres n'avoir pas vraiment profite des 200m de descente au soleil pour cause de neige glacee et terriblebleblement travaillee par le vent et le soleil, on replonge dans le brouillard mais sur une neige meilleure que Pierre attaque les pieds joints. Descente a vue (!) et a l'alti/boussole a la recherche du col de Colombes, loupe a la montee.

Les traces partent a l'horizontale vers un semblant de col, mais aucune vers le bas alors que l'alti/boussole/thermometre/hygrometre/... de Pierre nous dit qu'on est encore 100m au-dessus. On decide de poursuivre la descente en se fiant aux instruments (ce coup ci on les utilisent des le debut !) et on atteint une croupe qui pourrait etre le col. En fait c'est juste par curiosite car on a prevu de descendre directement cote lac du Lautier et Villar-Loubiere.

Descente dans le brouillard, plus jour blanc, complet. Je m'arrete en pleine pente et demande a Pierre l'altitude qui s'averre correspondre quasiment a celle du lac. Je descend en derapage d'un petit metre et tate du baton ce qui semble etre une zone plus plate. Je sonde le manteau et extrait une neige detrempee: j'ai un ski sur le lac !!! Nos deux randonneur vus au sommet passent a quelques metres. On les appercoit furtivement pour ne plus les revoir de la descente (ni traces). De nos discussions au sommet il nous semblait qu'ils comptaient repasser le col et descendre cote Chapelle ...

Le vallon etroit (ou du moins qui le parait) qui suit nous mene au grand vallon du Lautier ou l'on emerge (submerge ?) finalement sous les nuages apres plus de 600m de denivelee dans la crasse. Belle descente jusque vers 1700m ou apres quelques traversees de torrent on quite les skis sur le sentier d'ete. Superbe sentier pas trop raide pour les genoux mais parfois aerien.

Retour a la civilisation de Villar Loubiere vers 17h15. Pas de bistrot pour la collation traditionnelle. Je retrouve les baskets planquees a l'aller au cas ou le stop vers La Chapelle ne marcherait pas. Bingo, la premiere voiture arrive immediatement et s'arrete. Un bon the, sans punch celui la, et retour vers Grenoble ou un bon lit nous attend ...

Bilan: Finalement nos errements dans le brouillard nous ont fait decouvrir une superbe course en traversee integrale (sauf les 20m aller-retour pour le sommet!) dans des vallons tres sauvages. La meme a l'envers doit etre interessante par beau temps et par bon enneigement (150m a 40-45 degres) car le bas est plus skiable cote La Chapelle, mais mieux vaut alors passer par le Refuge des Souffles a la montee pour eviter la traversee probablement acrobatique sur le chemin dans les barres sous le vallon du Lautier.

Bernard

NB: le trace des altitudes atteintes en fonction du temps (fait a partir des mesures enregistrees automatiquement par l'alti/../../.. de Pierre) montre bien comment le brouillard reduit d'au moins un facteur 2 la vitesse de progression, sans compter la 1/2 heure perdue dans nos errements transversaux ... (on va essayer de la mettre sur le web pour ceux que ca interesse).