Vendredi 1er Juin 2001

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Tsanteleina face Nord

      Dénivelé : 1435m      Très Bon Skieur Alpin


Philippe Feautrier


Début de la descente sous le sommet Premier virage le plus raide Milieu de la descente Patrick dans la descente Philippe s'éclate

On se retrouve à quatre, le vendredi soir, au barrage du Saut à camper par une nuit froide, Patrick nous ayant rejoint vers minuit.

Lever à 4h, départ a 5h15 au petit jour. Il fait froid et très beau, un petit vent descend des glaciers. On prend le sentier déneigé et plat qui conduit au barrage de la Sassière. On trouve la neige après le barrage de la Sassière où on ne tarde pas à chausser les skis avec les couteaux sur la neige dure.

On se dirige vers le col de la Tsanteleina en prenant un couloir ouest évident. Je passe avec Luc à skis mais jugeant le passage un peu expo, je demande à Pascal de mettre les crampons. Patrick, avec ses crampons dès le début, finit par nous doubler car les "skieurs" sont handicapés dans les boules et les goulottes du petit couloir.

On se regroupe tous pour attaquer la face Nord de la Tsanteleina. En neige dure, on sort les crampons. On navigue au mieux entre la crête gauche parsemée de rochers et le centre de la face. Une plaque de glace apparaît dans la partie droite ou on évite d'aller. Il fait toujours froid malgré le soleil qui nous éclaire, et notre petit groupe atteint le sommet sans encombre.

J'arrive bon dernier 45 mn derrière les autres, handicapé par un problème manifeste d'acclimatation et ce qui se révélera ensuite être une bonne crève. Le temps de se restaurer un peu au sommet, on décide de descendre vite, car il fait frais, quelques cumulus bourgeonnent et je n'ai guère d'espoir de voir la neige se ramollir.

Je reprends les commandes à la descente, en dérapant sous le sommet (et au dessus d'une barre) dans une neige dure et bosselée. Puis on retraverse sur la droite pour rejoindre la crête. On est dans du 40 degrés, et la neige est dure, ce qui mobilise toute notre concentration. Ça accroche bien tout de même.

On arrive vite au milieu de la face, à une sorte de replat tranquille où on fait des photos. Pascal repart en premier, enchaîne quelques virages et fait une faute, sans doute de carre. Je n'ai que le temps de le voir plonger dans la pente et tenter de se raccrocher à ses skis. Peine perdue, il descend tout en bas dans une chute interminable et nous nous apercevons avec horreur que sa trajectoire passait par quelques rochers qui affleuraient.

Patrick, notre médecin du groupe (que je ne remercierai jamais assez), sera le premier en contact avec le blessé et nous demande immédiatement de faire venir l'hélico avec le téléphone portable. On descend de 100 m avec Luc pour trouver un endroit où ça porte. La liaison est mauvaise mais on arrive à peu près à se faire comprendre. Au bout de 10 min, Luc revient vers Patrick pendant que je descends 200 m de plus pour trouver une liaison téléphonique excellente et parfaire l'alerte.

L'hélico arrive 30 min plus tard de Modane, les sauveteurs du PGHM mettent 1h à conditionner le pauvre Pascal qui souffre de brûlures, de plaies et d'hématomes au visage. Il sera évacué avec les sauveteurs à 13h05 par l'hélico.

Nous descendons alors à trois, le cœur lourd, avec les skis de Pascal. On passe par le glacier de Rhème-Golette, bien bouché et plus sûr à cette heure (car notre petit couloir de montée commençait à parpiner). La pluie et la neige nous attendent à la voiture.

Pascal est d'abord transféré à Chambéry par l'hélico, puis le soir à Lyon par le Samu. Il est resté pratiquement toujours conscient. On sait aujourd'hui qu'il n'a pas de lésions à la colonne vertébrale et également qu'il n'aura pas de séquelles neurologiques. Il sera néanmoins opéré ce jeudi de fractures au niveau du front.

Il m'est très difficile aujourd'hui de tirer des enseignements "à chaud" de cette malheureuse expérience. Mes pensées vont sans arrêt vers Pascal et son lit d'hôpital. Les images de sa chute et de ce qui a suivi me reviennent souvent. Je me dis juste les évidences suivantes:

  • les sorties TBSA sont intrinsèquement plus dangereuses que les sorties Deb, il faut en avoir conscience,
  • la neige dure peu décupler la difficulté et surtout l'engagement d'une course réputée "facile et sûre" dans les topos,
  • une chute sur neige dure sur une pente à 35 degrés est quasi impossible a enrayer,
  • l'utilité du téléphone portable n'est, je l'espère, plus à démontrer. Il m'aura au moins servi une fois...

Je souhaite surtout beaucoup de courage a Pascal pour la suite, ainsi qu'a sa famille.

Philippe.

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